Vie de l’officine : Comment gérer les fausses ordonnances en pharmacie ?

Les fausses ordonnances font partie intégrante des défis quotidiens des professionnels d’officine. 3S Santé décide donc de faire un tour de la situation en France et d’étudier les options possibles pour savoir comment gérer les fausses ordonnances en pharmacie ?

Comprendre le phénomène des fausses ordonnances en pharmacie

Qu’est-ce que la fraude à l’ordonnance ?

La fraude aux ordonnances représente une utilisation illégale ou une falsification d’ordonnances médicales afin d’obtenir des médicaments et préparations pharmaceutiques. Dans la plupart, les médicaments acquis ainsi font l’objet d’utilisations inadaptées ou de trafics à fins lucratifs.

Les fausses ordonnances qui circulent sont de différents types :

  • Contrefaçon d’ordonnances
  • Usurpation d’identité de médecins
  • Falsification de symptômes

Quels sont les médicaments les plus représentés dans les fausses ordonnances ?

Certains médicaments sont plus susceptibles d’être ciblés par de potentiels fraudeurs et trafiquants. Cela est lié notamment à leur valeur marchande ou bien à un usage détourné qui peut en être fait.

Voici une liste des types de médicaments apparaissant sur les fausses ordonnances :

  • Les anticancéreux
  • Les anti hépatiques
  • Les anxiolytiques
  • Les antidouleurs
  • Les antidiabétiques
  • Les hypnotiques

Les risques et conséquences liées aux fausses ordonnances

Les conséquences des fausses ordonnances pour le système de santé

Cette fraude a bien entendu un coût conséquent pour l’Assurance Maladie. En 2022, les escroqueries à la fausse ordonnance détectées par la Sécurité Sociale s’élèvent à plus de 8,5 millions d’euros. Ces dépenses illégitimes affectent alors le budget alloué à d’autres soins et à la prévention.

Les conséquences des fausses ordonnances pour le pharmacien

Chaque jour les professionnels d’officine, et surtout les pharmaciens engagent leur responsabilité lorsqu’ils délivrent des traitements sur ordonnance. Les produits de santé sont fait pour soigner et doivent donc être pris en cas de symptômes spécifiques et à des posologies adaptées à chaque patient.

D’après l’article L. 5432-1 du Code de la Santé, le pharmacien peut être poursuivi « même s’il ne s’est pas rendu compte de la falsification ou si la prescription ne respectait pas la réglementation ». La condamnation peut aller jusqu’à 750 000 euros d’amende et une peine de 7 ans de prison.

En dehors des poursuites judiciaires, la Sécurité Sociale oblige les pharmaciens à assumer la perte financière liée aux médicaments fournis via les ordonnances truquées. Ce sont donc plusieurs centaines, voire milliers d’euros de perte sèche dans la trésorerie de l’officine.

Les risques des fausses ordonnances pour les patients

Les risques liés à la multiplication des fausses ordonnances sont nombreux pour les patients.

D’une part, les patients qui ne sont pas impliqués dans ces fraudes ou trafics peuvent souffrir des pénuries de médicaments. Lorsque les stocks de médicaments sont en tension, la délivrance de traitements à des personnes qui n’en ont pas une réelle utilité médicale constitue une véritable mise en danger d’autrui.
De plus, les personnes qui achètent des médicaments à prix d’or en dehors des circuits pharmaceutiques légaux, mettent également en danger leur santé. En effet, les médicaments trafiqués via de fausses prescriptions sont généralement revendus à l’étranger mais ils sont transportés dans des conditions si mauvaises qu’ils perdent tout leur intérêt thérapeutique et leur efficacité.

Enfin, certaines personnes créent de fausses ordonnances pour s’approvisionner en médicaments et assouvir leurs dépendances en surdosant les produits ou mélangeant les substances.

Les risques pour les fraudeurs d’ordonnances médicales

sanction fraude fausses ordonnances

La majorité des pays se montrent extrêmement strictes avec la création, l’utilisation ou la possession d’une fausse ordonnance. C’est une démarche illégale qui représente une fraude grave envers les professionnels de santé (médecins, pharmaciens…) et le système national d’assurance maladie. En France, les fraudeurs risquent une sanction pénale de 5 ans de prison et une amende de 375 000 euros d’après l’article 313-1 du Code Pénal.

Après la condamnation, la personne verra cette fraude affichée à son casier judiciaire. Cela pourra alors être plus difficile de trouver certains emplois, voyager à l’étranger ou encore solliciter une prévoyance santé.

Le rôle du pharmacien face aux fausses ordonnances

La responsabilité du pharmacien est mise à l’épreuve lors de la délivrance de médicaments. Ce professionnel de santé doit en effet remettre à ses patients des produits pharmaceutiques adaptés à ses besoins afin d’améliorer son état de santé. Lorsqu’il se retrouve face à une fausse ordonnance, la sécurité des patients n’est malheureusement plus assurée.

Repérer les fausses ordonnances

Il y a quelques points à vérifier sur une ordonnance médicale pour ôter tout doute de fraude :

  • En-tête et logo : Rechercher des incohérences, des fautes d’orthographe, des erreurs de format ou bien des informations manquantes.
  • Numéros d’identification uniques (RPPS, FINESS) : Le numéro d’identification ou code-barres  peut permettre de confirmer la légitimité d’une ordonnance ou sa falsification
  • Signature du médecin : Vérifier son authenticité en comparant avec d’autres signatures du même médecin. Une signature illisible, flou ou mal imitée est potentiellement suspecte et remet en cause l’intégralité de l’ordonnance.
  • Médicaments prescrits : Analyser la prescription pour mettre en lumière des erreurs comme des doses inhabituelles, ou des médicaments inconnus.
  • Terminologie médicale et langue : Contrôler la rédaction, la formulation par rapport aux normes médicales habituelles.
  • Absence de consultation médicale : Généralement une vraie ordonnance s’inscrit dans un parcours de soin. Si aucun rendez-vous médical récent n’est lié à la prescription cela peut éveiller la suspicion en tant que pharmacien

En cas de doute devant une fausse ordonnance, demandez l’avis d’un collègue pharmacien ou préparateur en pharmacie. Il peut également être judicieux de contacter le médecin prescripteur afin de valider l’authenticité de l’ordonnance.

Déclarer les fausses ordonnances

Il est possible de déclarer une ordonnance suspecte auprès de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) en ajoutant la mention « Refus de délivrance » sur la copie de l’ordonnance frauduleuse. Cependant ce dispositif Asafo (Alerte sécurisée au fausses ordonnances) n’est mis en place qu’en Ile-de-France.

Dans les situations difficiles où le doute persiste, le pharmacien peut indiquer sur l’ordonnance « Délivrance temporaire » afin de ne remettre au patient qu’une quantité limitée de médicaments. Cela assure l’accès aux soins tout en limitant le risque de trafic ou de mésusage.

Les pistes pour mieux lutter contre les fausses ordonnances

La réglementation sur les ordonnances médicales

Pour lutter plus efficacement contre la fraude aux fausses ordonnances et ses multiples conséquences, l’une des premières mesures serait de renforcer la réglementation. L’idée serait d’ajouter des exigences de sécurités supplémentaires, d’augmenter les contrôles et d’améliorer les systèmes de suivi des ordonnances médicales.

La coopération interprofessionnelle

La lutte contre les fausses ordonnances en pharmacie nécessite une communication et une coopération renforcée entre les différents professionnels de santé du parcours de soin. Les médecins, les spécialistes, les pharmaciens, mais aussi les autorités de santé et les organismes d’assurance maladie doivent partager leurs informations lorsqu’ils signalent de fausses ordonnances.

lutter contre les fausses ordonnances

Les initiatives individuelles : Ordosafe

Pour faciliter la gestion des fausses ordonnances et améliorer leur détection, certains pharmaciens ont décidé de prendre les choses en mains eux-mêmes. A Paris, un pharmacien adjoint  a développé une application s’appuyant sur l’IA pour déceler plus efficacement les fausses ordonnances et consacrer plus de temps à d’autres missions essentielles de son métier.

L’application Ordosafe permet de prendre en photo l’ordonnance pour vérifier les informations clés et détecter une anomalie. L’utilisateur peut aussi être notifié si elle a déjà été signalée par une autre pharmacie. Face à une fausse ordonnance, la déclaration à l’Assurance Maladie se réalise en quelques secondes seulement.

Les nouvelles technologies

L’évolution constante des technologies peut permettre aux professionnels d’officine d’espérer des systèmes plus efficaces pour détecter les fausses ordonnances ou tout simplement de mettre en place des ordonnances infalsifiables. Le sujet de la e-prescription est évoqué depuis quelques temps mais aucune mise en place n’a été programmée à l’échelle nationale.

La sensibilisation et l’éducation des patients

Toute la population doit être sensibilisée à la problématique des fausses ordonnances et leurs risques. Beaucoup de professionnels de santé y ont déjà été confrontés, mais pour les patients les conséquences des fausses ordonnances restent floues. Des campagnes d’information et de prévention pourraient être utiles pour faire baisser le nombre de ces fraudes et promouvoir une utilisation responsable des médicaments.

Un durcissement des sanctions

Depuis quelques années, les pharmaciens assistent impuissants à une explosion des cas de fausses ordonnances. Des sanctions plus sévères pourraient éventuellement dissuader certains fraudeurs de s’engager dans ces activités illégales.

La lutte contre les fausses ordonnances a surtout lieu en pharmacie. Les professionnels d’officine doivent donc savoir comment reconnaître les prescriptions louches et savoir comment réagir. Les pharmaciens espèrent tout de même un soutien législatif, réglementaire ou technologique pour faciliter la gestion de ces problèmes afin de mieux se concentrer sur le soin aux patients.

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